Jean Philippe Charbonnier, L’enfant et le gazomètre, Roubaix, 1958-1959
Jean-Philippe Charbonnier est souvent décrit comme un baroudeur, un reporter intrépide tourné vers l’ailleurs, parcourant le monde entier pour le mensuel Réalités dont il était salarié depuis 1950. Or il a passé beaucoup de temps à photographier son pays, de Roubaix à Arles, en passant par la Creuse et Paris, sa ville natale. Fasciné par ses contemporains, qu’ils lui soient proches ou inconnus, il avait l’habitude de dire : « L’exotisme est à un demi-ticket de métro de chez moi. »
On the Edge propose ainsi une traversée de la France à travers le regard de Jean-Philippe Charbonnier des années 1940 au début des années 1980 à un moment où le pays traversait de profondes transformations sociales, économiques, politiques et culturelles. Parce qu’il est en terrain connu, sa pratique photographique y est souvent plus contrastée, plus personnelle, plus pessimiste aussi. On the Edge fait ainsi référence à son approche photographique intime et critique, porteuse d’une solide dimension sociale qui a fait de Charbonnier un des photographes français les plus talentueux et atypiques de sa génération.
Cette pratique parfois contradictoire qui associe proximité de l’individu et distance critique se retrouve formellement dans sa manière de photographier ses sujets, en lutte contre des forces extérieures et intérieures, comme s’ils cherchaient à échapper à notre regard de spectateur ou à sortir du cadre. C’est aussi une manière de voir le monde qui l’a souvent éloigné de la scène photographique humaniste française : plutôt que de photographier le bonheur, il préférait une vision du monde plus sombre et féroce, dépourvue de nostalgie. Pour autant, son travail ne manque jamais d’humour et de tendresse et on perçoit dans ses photographies une connivence avec ses sujets et le monde qui l’entoure. En témoignent les légendes facétieuses qu’il choisissait consciencieusement pour chaque image. Adepte des reportages longs et immersifs, il aimait rappeler que « La photographie est le plus court chemin d’un homme à un autre.»
L’exposition, qui fait la part belle à des images inédites et des tirages vintages, s’articule autour de quelques moments forts du travail de Jean-Philippe Charbonnier en France. On retrouve ainsi son regard sur la Libération de Paris et l’immédiat après-guerre, ces reportages sur le quotidien des habitants de l’Île de Sein, de Roubaix et du Nord de la France dans les années 1950, son investigation sans concession sur les hôpitaux psychiatriques en 1954 qui provoqua une véritable prise de conscience, et ses déambulations dans son quartier du quatrième arrondissement de Paris à partir de 1975.
Le sac noir, Roubaix, France (Courée Rue de Lannoy), 1958-1959
Judex (La Verrière, 78320, Hôpital Psychiatrique), 1965
Le café du mineur, Lens, 1954
Une petite Edith Piaf , Palais Royal, Paris, 1945
Un pied de poule un peu gonflé, 1979
Coulisses des Folies-Bergère, Paris, 1960
Les bas, 1949