A partir du 12 juin 2020, La Galerie Rouge présente Ruskaïa et Des Silences Assourdissants, deux expositions autour de quatre photographes dans les deux espaces de la galerie. Ruskaïa, dans l’espace principal, met à l’honneur les photographes Luc Choquer et Sergey Neamoscou. Des Silences Assourdissants, dans la Petite
Nef de la galerie, présente le regard de deux photographes émergentes sur l’Iran.
Espace principal, Luc Choquer et Sergey Neamoscou
L’exposition Ruskaïa, propose un dialogue entre le regard d’un photographe français sur la Russie des années 1980-90 et le regard d’un artiste russe, né à Moscou à l’époque où Luc Choquer photographiait la Russie, sur la France d’aujourd’hui.
Ruskaïa, extrait de la série éponyme de Luc Choquer, qui a exploré la Russie entre 1988 et 1991 au moment de la Perestoïka, raconte un pays en mouvement en particulier à travers des femmes, emblèmes d’une jeunesse en renaissance. Pour ce travail constitué de tirages vintage, Luc Choquer a reçu le prix de la Villa Médicis hors les murs, ainsi que le prix Niépce (1992). Cette série a également fait l’objet d’un ouvrage publié aux Éditions Marval sous le même titre et a donné lieu à des expositions en France, à Moscou et à San Francisco.
Sergey Neamoscou, né à Moscou en 1981, au moment où Luc Choquer s’est intéressé à son pays, est arrivé en France
à 18 ans. Depuis ce jour, il parcourt les rues avec son appareil photographique pour y capturer des moments de grâce et de poésie.
Ses photographies de la France, réunies dans sa série Le temps suspendu, proposées ici en dialogue avec celles de Luc Choquer, sont empreintes d’un regard pictural, inspiré par la peinture et l’aquarelle. L’utilisation d’anciennes pellicules renforcent ce rendu entre impressionnisme et réalisme où l’onirisme triomphe.
Extrait du livre Ruskaïa, Jeunes femmes russes
« Aucun pays n’a su, peut-être, autant que la Russie de la Perestroïka, briser les miroirs qui lui renvoyaient une image complaisante et fausse pour se regarder, enfin, dans la limpidité nue et sauvage de ses propres larmes.
Larmes tranchantes de la douleur et larmes d’une joie provocante.
La Russie est une conquérante. Les femmes russes aussi. Russie et russes sont rivales. Elles s’affrontent dans un
déchainement d’éléments. Cela s’appelle, parfois, la jalousie, parfois la Révolution, et toujours la passion.
Comme un poète, le photographe, mi-voyou mi-voyeur, appartient au monde des visionnaires. Il faut y savoir manier le surin.
« Nous écrivons du couteau », s’exclamait Velimir Khlebnikov, au milieu d’une autre tourmente, dans les années vingt. Luc Choquer a joué de la lame, incisé les entrailles d’un quoti- dien pathétique d’où, soudain, jaillit un bouillon de tendresse. »
Extrait du texte de Bernard Frédérik, auteur, paru dans le livre Ruskaïa, Jeunes femmes russes, Éditions Marval.
Sergey Neamoscou, Le temps suspendu
L’exposition présente un extrait des photographies de l’artiste autodidacte réalisées en France ces dix dernières années.
Adepte des pellicules de film argentique usagées, Sergey Neamoscou appréhende la photographie comme une thérapie pour
assouvir peurs et désirs et ébaucher des réponses aux grandes questions du comment et du pourquoi. Liée intrinsèquement
à ces pulsions de vie, l’artiste nous livre une photographie organique mais lyrique et d’une grande douceur. Son regard se
pose sur tout et sur tous, de façon compulsive, convaincu que la beauté peut se trouver partout et la poésie émerger de n’importe quelle situation. Arrivé en France en 2001 à l’âge de 19 ans, il nous confie découvrir à ce moment là une liberté qu’il n’avait jamais connue et assumer une sensibilité qu’il ne parvenait pas à exprimer dans son pays d’origine. La photographie lui ouvre les portes d’un nouveau langage qu’il peut partager sans honte ni angoisse. Il trouve rapidement son écriture photographique, caractérisée par un grain fort, une surexposition et un flou récurrent, malmenant ainsi la technique pour sublimer son sujet. Figures de style comme il en existe en littérature, ces spécificités visuelles procurent à son travail une force et une singularité bâties sur l’intuition.
La notion de surprise est au cœur de sa recherche plastique car il envisage la création comme une prise de risque où le hasard,
à tout moment, entre en jeu. Il rejoint peut-être là les grands maîtres de la photographie comme Cartier-Bresson, qu’il aime à citer, pour sa vision de “l’instant décisif”. La couleur, intimement liée au travail de Sergey, remplace le noir et blanc mais le sujet,
la composition priment tou-jours tout comme l’absence de retouches et d’altérations de la prise de vue. Pour lui,
la photographie est une histoire de pensées, l’objectif, un moyen pour les atteindre.
DES SILENCES ASSOURDISSANTS
La Petite Nef de La Galerie Rouge
Dans la Petite Nef, La Galerie Rouge présente Des Silences Assourdissants, le regard de deux artistes émergentes sur la jeunesse iranienne et le féminin. Aïda Ganjipour y présente sa série Aïda dans le miroir et Jeanne Grouet sa série Les murs battent des ailes.
Aïda dans le miroir
Jeune artiste iranienne installée en France depuis 2017, Aïda Ganjipour immortalise des moments de vie, des saynètes et des moments d’intimité dans les méandres des rues et des campagnes iraniennes. Ici, elle dévoile sa série Aïda dans le miroir, photographies réalisées au téléphone portable où l’artiste se met en scène, chez elle, dehors, dans la rue ou dans des magasins. Décors intérieurs et extérieurs sont soumis à son regard bienveillant questionnant le rapport du corps à l’espace et plus particulièrement la place de la femme dans l’espace public et privé de la société iranienne. Des clichés où la fragilité, l’amour et la beauté tentent malgré tous les obstacles de se frayer un chemin pour s’épanouir.
Les murs battent des ailes
Cette série est issue de la résidence effectuée par la photographe en août 2019 en Iran, grâce à la Jee Art Gallery, où elle découvre le pays et explore une nouvelle féminité faite d’intimité et de silence.
Jeanne Grouet | Citations
“J’ai été accueillie à Téhéran où je suis restée une semaine – puis j’y retournais tous les 4/5 jours après des excursions seule
dans le pays. Dans cette ville vibrante que j’ai pu participer à des fêtes et réunions entre amis. Et c’est dans ces espaces privés
qu’est venue l’envie de faire des photographies pendant ces moments intimes, de calme, de détente, mais aussi de chants et
de danses. C’est là que j’ai compris vouloir rendre visuel et visible ces moments de partage et d’une autre vie, à l’abri des regards.
Ces instants captés dans une sorte d’endroit souterrain, renvoient aussi à la signification même du nom de la ville en persan.”